Alec aurait bien aimé pouvoir dire qu'il ne sentait plus sa main à force d'ouvrir des cadeaux. Malheureusement, il la sentait
trop.
La veille au soir, il avait un peu trop exagéré niveau sarcasme – bon, d'accord,
beaucoup trop, comme d'habitude – et son père avait réagi. Cette fois-ci, il avait essayé de ne pas en rajouter, il avait simplement.. serré les dents. Et son père n'avait pas
exagéré. Enfin, il lui avait bien pressé la main, mais rien de plus. Alec apprenait peut-être à se calmer. Non ?
Non. Il n'avait simplement pas envie de perdre la capacité de faire de la magie à cause d'os en compote. Surtout que l'infirmière lui avait laissé une bouteille de potion de soin à garder avec lui, et il n'avait pas vraiment l'intention de la vider avant la fin de la première semaine. Il devait tenir deux semaines. S'il revenait avec la main droite en un état pire qu'avant les vacances, Mikkelsen allait lâcher tant de jurons que ses oreilles allaient saigner. Il n'était pas non plus certain qu'elle soit dupe concernant l'origine de sa blessure. Bah, tant qu'elle ne le forçait pas à balancer la vérité, il n'en avait pas grand chose à carrer. En tout cas, il avait pris une dose minime de potion, et il sentait que sa main n'était pas entièrement guérie.
Le lendemain matin, en entrant dans le salon avec sa sœur pour le petit-déjeuner, il avait vu les cadeaux entassés et avait jeté un regard vers son père. Ce dernier le lui rendait avec froideur. Ils se souvenaient tous deux du Noël précédent, durant lequel le jeune Oryal avait jeté au feu tous ses paquets sans les ouvrir. Et en avait payé le prix fort. Alec eut un sourire en se rappelant du dialogue.
- C'est quoi, ça ? - Une cheminée, apparemment. Il élargit son sourire en voyant que l'autre fronçait les sourcils, gardant son expression habituelle et indéchiffrable.
Ne t'inquiètes pas, je ne suis pas du tout en train de me foutre de ta gueule sous ton nez, 'papa'. Il détourna les yeux uniquement pour bâiller ostensiblement – il savait qu'ils détestaient ça.
« Un peu de retenue, Alec », le rabroua Liv, déjà installée à côté de son
papa chéri. Le duelliste retint un ricanement.
« Je vous prie de m'excuser, ma sœur. Je ne le referai plus. » Et sur ces mots prononcés d'un ton extrêmement sérieux, il lâcha un deuxième bâillement en tirant une chaise pour s'asseoir.
Liv tira sa baguette de sa poche et la pointa vers lui. Il l'ignora en se servant une tranche de bacon avec les doigts.
« J'espère que tu te rends compte d'à quel point ton attitude est- » « Liv, soeurette, range cette baguette, voyons. Un peu de retenue. » Sa tranche de bacon s'enflamma brusquement, et il la lâcha aussitôt. Avant d'en reprendre une deuxième très calmement. Leur père jeta un coup d’œil à Liv, qui range sa baguette avec une expression d'intense exaspération.
Pauvre choute, se dit Alec avec ironie. Il se demandait parfois si elle aurait vraiment été une Mangemort, s'ils étaient nés à l'époque du terrible mage noir, ou si elle suivait juste son père pour rester son enfant favori. Il aurait parié qu'elle s'était déjà retenue de lui jeter un Doloris ou un sortilège dans le genre. Il espérait vraiment qu'elle craquerait après sa majorité. Juste pour avoir le droit de se défendre – et lui montrer qu'il n'était pas uniquement le fils indigne de son père qui passait son temps à se prendre des raclées.
Le jour où je n'aurais plus la Trace sur moi...Lorsqu'ils ouvrirent leurs 'cadeaux', Alec fit de son mieux pour la fermer. Il avait l'intention de repartir dans sa chambre en un seul morceau, cette fois-ci. Parce qu'il avait reçu trois paquets par hiboux, qui ne provenaient pas de sa famille. Les trois cadeaux l'attendaient sur son bureau, et il était certain qu'ils seraient autrement plus satisfaisants – et sincères – que ceux qu'il était en train d'ouvrir.
Oh, des livres sur la botanique et les potions, quel bonheur, je suis certain que ce n'est pas pour me rappeler que j'ai intérêt à travailler pour ces matières, mais plutôt pour m'encourager. Une chemise et un pantalon de costume, justement, ils manquaient à ma collection, ô joie. Un énorme bouquin retraçant l'histoire de la noblesse de la famille Oryal, j'en rêvais. Et celui-ci, « La Pureté du Sang », le best-seller qu'il me fallait !
Les deux seuls cadeaux qui tranchèrent avec ce débordement d'hypocrisie furent, tout d'abord, une bague dorée discrète que sa mère lui tendit avec un grand sourire et qui donna à la fois au duelliste une bonne dose de colère et une envie de lâcher tant d'ironie qu'il aurait probablement fini manchot. Sa bague de
fiançailles. Il se contint avec tant de force qu'il eut l'impression de manquer de souffle. Son père le fixait avec satisfaction.
Qu'est-ce que tu as, tu espères que je vais me passer cette bague au doigt plutôt que de te l'enfoncer dans l’œil ? T'es optimiste. Le deuxième cadeau l'aida à se calmer. Il était de la part de Korinn. Il s'agissait tout simplement d'un dragon miniature, un Vert Gallois minuscule qui montra les crocs lorsqu'Alec l'approcha de son visage. Sa sœur lui adressa un sourire. Elle lui avait déjà dit qu'il lui faisait penser à un dragon – sauf qu'il crachait du sarcasme plutôt que du feu. Lui-même ne se sentait pas spécialement dragon, mais ça restait flatteur.
Une fois de retour dans sa chambre avec le mini-reptile sur son épaule – il l'avait appelé
Liten, 'petit' ou 'minuscule' en Norvégien -, il balança ses livres par terre, les deux vêtements sur son lit et s'approcha de son bureau. Edelsten feula en voyant le petit dragon posé
à sa place sur l'épaule de son maître, et Alec soupira.
« Tu ne vas pas être jaloux, il n'est même pas vivant, c'est un sort. » Le chat se contenta de se ramasser sur lui-même pour bondir. Liten s'envola, et Alec les laissa déambuler dans la pièce pendant qu'il s'installait sur sa chaise de bureau. Il avait vu juste. Le premier paquet venait de Simon, le deuxième d'Elias, et le dernier de plusieurs duellistes en même temps. Il eut un sourire en prenant celui de Simon. Il lui avait envoyé une fiole à potion ornementée qu'il avait trouvé particulièrement belle, et un parchemin qui, lorsqu'on le déroulait, faisait apparaître un terrain de Quidditch et ses deux équipes en miniatures flottantes au-dessus. On pouvait déplacer les joueurs miniatures. Parfait pour les stratégies. Bon, le parchemin ne faisait pas apparaître les balles. Il se demanda si ça lui avait plu tout en déchirant le paquet, et il resta interdit devant ce qui venait d'apparaître.
Il est sérieux ? Simon lui avait offert une putain de dague d'argent, si propre qu'elle en était lumineuse, et au manche ornementé. Elle était magnifique. Il la sortit du paquet en retenant son exclamation de stupeur. Ça ne lui arrivait pas souvent, mais il était estomaqué.
Pourquoi une dague ? Il n'avait l'intention de tuer personne, à sa connaissance. Bon, d'accord, il pouvait
peut-être faire une exception pour son père. Sauf que s'il devait le faire, il utiliserait sa baguette, non ? Il contempla la lame avec prudence. Il devait reconnaître que le cadeau lui plaisait. S'il pouvait apprendre à s'en servir.. Une arme
moldue ? Ses parents détesteraient.
Raison de plus. Il se voyait déjà leur répliquer un joli
je croyais, avec toutes vos traditions, qu'on était restés au XVIe siècle ? C'était la même époque, quand les gens se battaient avec ce genre d'armes, ça devrait vous plaire. Il essaya de la faire tournoyer sur sa main, mais elle tomba sur le sol et il se sentit un peu ridicule.
Super, la warrior attitude, on voit que tu sais te battre, là. On sent la bonne réputation de duelliste ruinée parce que je me suis cru dans un film. Il ramassa la dague et la rangea délicatement dans son étui. Il allait devoir la cacher de sa famille.
Edelsten se percha sur son épaule pendant qu'il prenait le cadeau d'Elias. Il réprima un rire en imaginant la réaction de son ami devant son propre cadeau. Elias étant Elias, il lui avait envoyé un beau paquet de friandises de chez Honeydukes. Et un gros pot de miel. Avec un ours dessiné sur l'étiquette. Non, ce n'était pas Alec qui l'avait griffonné. Mais l'image l'avait fait rire. Surtout que l'ours était dessiné avec la tête coincée entre deux branches pendant qu'il essayait d'attraper du miel. Edelsten tendit une patte curieuse vers le papier et Alec claqua sa langue contre son palais pour qu'il arrête. Il haussa un sourcil en voyant qu'Elias lui avait envoyé deux livres –
Elias sait lire ? - puis il lut le titre du premier. Les grands duels ayant marqué l'histoire.
Merde, c'est bien joué, ça. Il ne put pas retenir son sourire devant la couverture. Mince, son ami avait assuré. Il prit le second bouquin sans se départir de son sourire – puis lâcha un soupir. Le deuxième s'intitulait
Comment devenir sociable. Bon. Pour le coup, il ne regrettait pas du tout le coup du pot de miel.
Il laissa Edelsten jouer avec les papiers déchirés et prit le troisième paquet. Il était mal enveloppé, on aurait dit qu'il y avait des dents au-dessus, même. Il comprit en l'ouvrant.
Ah, d'accord. Les duellistes lui avaient offert une couronne.
Une couronne pour le King des duels, hein. Ils n'arrêteront jamais avec ça. Il soupira, mais un soupir à la fois exaspéré et amusé. Un couteau, deux livres, une couronne et un mini-dragon. Le reste ne comptait pas. En fin de compte, ce n'était pas si mal, Noël.
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